La mixtape de Mister Wizz – Episode 3 : La datcha de l’oncle Atome
Le 26 avril à 1h23, Pripyat, riante bourgade ukrainienne, devint le centre du monde le temps d'un accident qui résume désormais l'année 1986. La guerre froide avait connu un pic au début des années 80, la menace rouge était encore vivace. Les méchants communistes refaisaient leur apparition dans les James Bond, et Sting avait sorti sa chanson "Russians" en 85. L'espoir suscité par l'arrivée de Gorbatchev à la tête du PC russe n'avait pas éteint toutes les craintes. On s'attendait encore à tout. A tout mais pas à ça. Désormais le fond de l'air aurait un arrière goût de césium. Heureusement notre ami l'anticyclone des Açores a retenu le fameux nuage radioactif avec ses petits bras musclés protégeant nos poumons de chanceux français. Un genre d'Astérix météorologique en somme. Nous pouvions vivre dans l'allégresse et profiter pleinement de la première cohabitation et des premiers programmes hautement culturels de la Cinq.
Face A (Le futur dans ta face)
01 Kraftwerk : Boing boom tschak. 11 ans après le prophétique "Radio-activity", la radio activité est vraiment "in the air for you and me". Ils publient cette année leur deuxième album de la décade, un album un peu moins précurseur que les précédents mais à la patte toujours géniale. A la manière de Jarre 2 ans plus tôt ils manipulent les voix, mais celles de nos allemands sont synthétiques et déshumanisées. La machine a pris le contrôle. Intro idéale donc. [album "Electric cafe", rebaptisé depuis "Techno pop"]
02 The Art Of Noise : Paranoimia (album version) (02:32). Co-créé et produit par Trevor Horn 3 ans plus tôt et abandonné à son sort entre temps, Art Of Noise habille désormais ses expérimentations d'une production un poil plus mainstream, mais juste un poil. Le travail du sample et des bruits en tous genres reste la base conceptuelle du groupe. Pour la version single de ce morceau le groupe avait invité Max Headroom, présentateur virtuel sur la BBC. Je me demande d'ailleurs si il n'a pas inspiré les vidéos de Reagan et Khomeini au café 80 dans Retour vers le futur II. J'écoutais la cassette au collège pendant les cours de maths... [album "In visible silence"]
03 Queen : A kind of magic (07:09). Classique de l'année composée pour le film "Highlander". Je n'ai toujours pas vu le film mais j'adore la chanson. (album "A kind of magic")
04 Charlotte & Serge Gainsbourg : Plus doux avec moi (11:34). Un petit break de douceur relative avec ce titre tiré du premier album de Charlotte Gainsbourg. Pour être la moins tendancieuse des chansons en duo avec son père, la tendresse reste à double tranchant, mais sur une mélodie sublime, avec chœurs et sax ad-hoc. Le final s'étire délicieusement, je m'en reprendrais bien quelques mesures... [album "Charlotte for ever"]
05 The Alan Parsons Project : Urbania (16:31). Le groupe créé par l'ingénieur du son d'Abbey Road (et en particulier pour "Atom heart mother" et "Dark side of the moon" des Pink Floyd) est en perte de vitesse. Il sort cette année-là un album au son assez froid, tranchant avec les productions plus luxuriantes des années 70. Bizarrement c'est un de mes disques préférés du groupe. Le titre choisi ici évoque une mégalopole sans fin, sans âme, et sans fuite possible. L'avenir? [album "Stereotomy"]
06 Ludwig Von 88 : HLM (21:13). Avant le rock alternatif il y a eu le punk français. Loin de se contenter de faire du bruit les Ludwig jouent avec verve la carte de la dérision et du second degré pour passer leur message. Résultat des courses, leur musique est toujours diablement d'actualité. Vas y Louison! [album "Houla la!"]
07 Europe : The final countdown (23:20). Il y a parfois des éclairs de génie. Europe signe avec ce titre un des riffs les plus imparables qui soient, à en détrôner "Eye of the tiger" comme intro de tous les matches de boxe de la fin de la décennie (et au-delà). Et tellement d'actualité en cette année atomique... [album "The final countdown"]
08 Daniel Balavoine : Ne parle pas de malheur (27:11). Nous nous étions levés de bonne heure en ce 1er janvier 86 pour assister au départ du Paris Dakar sur l'esplanade du Château de Versailles. Sur la route, dans l'autoradio tournaient en alternance le dernier Berger et le dernier Balavoine. Insouciance, l'année commençait bien... [album "Sauver l'amour"]
09 Alice Cooper : He's back (The man behind the mask) (31:25). Après quelques zigzags artistiques aux succès divers (mais toujours intéressants pour qui ne tolère pas le Grand Alice qu'en décapiteur de poules) et quelques années de silence, le Monsieur tente de se refaire un pucelage rock FM chez MCA. Pour fignoler le comeback il case quelques chansons sur la B.O de "Vendredi 13 chapitre 6", dont le titre choisi ici. Alice est toujours le roi du cauchemar. [album "Constrictor"]
10 Mini-Star : Les mondes engloutis (34:55). Pas de mixtape sans un ou deux Vladimir Cosma, et que ça saute ! Pas revu la série mais, en dehors du graphisme dont je ne suis pas fan, j'en garde un excellent souvenir. Dans la catégorie enfants chanteurs les Mini-Star se défendent bien et la chanson reste très écoutable et à peine datée. [compilation "Télé 80 mini-Star" ou BO "Les mondes engloutis"]
11 Peter Gabriel : Big time (38:18). Annoncé en 4x3 sur les murs de la capitale, le nouveau Peter Gabriel s'annonçait énorme. Avec en prime la suite de clips exceptionnels qui l'accompagnaient ce fut au-delà de l'énorme. Avec cette chanson il résume en 4 minutes 29 pourquoi on en est arrivé là. Décroissant avant l'heure. Tu le sens le "bulge in my big big big big..." ? [album "So..."]
12 Eric Serra : The parade of the pink EPROMS (42:40). On associe Eric Serra à la musique de Subway et surtout du Grand Bleu, mais dans la série des collaborations Serra-Besson (il est ici co-scénariste et co-producteur) "Kamikaze" fait injustement figure de grand oublié. Pourtant l'idée est assurément originale, et Galabru, en savant fou misanthrope, est génial. La B.O, bien qu'un peu datée, colle bien au sujet et mérite plus qu'une écoute rapide. [à priori réédité cette année]
FACE B (Derrière la ligne Maginot)
01 Marshall Titus : I'm walking away (45:00). Deuxième Cosma du mois. On a du mal à imaginer que cette chanson accompagne le film le plus flippant de l'année. En prime un des meilleurs rôles de Dominique Lavanant. La BO est globalement excellente, le fait qu'elle n'ait à ce jour pas été rééditée reste un grand mystère pour moi... [Bande originale du film "Mort un dimanche de pluie"]
02 Electric Light Orchestra : So serious (49:02). Cet album sonne comme le chant du cygne pour ELO. On lui reprochera en particulier d'abandonner les violons, pourtant marque de fabrique du groupe, pour les synthétiseurs. Malgré une sonorité un peu moins chaude que ses prédécesseurs, le disque contient de très bonnes chansons, dont celle choisie ici. [album "Balance of power"]
03 Sttellla : Non! Non! Jean-François (51:37). Comme disait Le Luron les plus grands chanteurs français sont belges. Et ces belges-là sont les dignes héritiers de Boby Lapointe avec 36 jeux de mots à la seconde en vitesse de pointe. Un des groupes les plus réjouissants des années 80, et 90, et pis même 2000. Jean-Luc je t'aime !!! [album "Fuite au prochain lavabo"]
04 Isabelle Antena : Easy street (54:08). Chanson en anglais d'une chanteuse française publiée sur le label belge "Les Disques Du Crépuscule" et que j'ai découvert sur une compilation japonaise, vous me suivez ? Si nos amis nippons sont fans, ici on est complètement passé à côté....pourquoi ?? Pas d'hésitation, réhabilitation. [album "En cavale"]
05 Paul Simon : You can call me Al (58:40). Alors que la "world music" supplante la "sono mondiale" du début des années 80 avec les mêmes recettes mais plus de succès, Paul Simon découvre l'Afrique du Sud, se jette dans sa musique, et sort son meilleur album. Le nom de la chanson vient d'une rencontre avec Pierre Boulez en 1970, qui l'aurait par erreur appelé "Al" et sa femme "Betty". [album "Graceland"]
06 Niagara : L'amour à la plage (01:03:02). Une petite note rétro sur des sons actuels, la recette du premier album de Niagara est imparable. Synthés + patchouli = succès de l'année. En prime l'album a plutôt bien vieilli, ce qui est plutôt rare pour les productions françaises de l'époque. [album "Encore un dernier baiser"]
07 George Benson : Kisses in the moonlight (01:06:04). Après avoir allumé la piste avec "Give me the night" en 1980, George Benson assure aussi le quart d'heure américain avec cette chanson à écouter sur fond de coucher de soleil avec une coupe de Bollinger frappé, et comme il se doit en charmante compagnie. [album "While the city sleeps..."]
08 Bernard Lavilliers : Extérieur nuit (01:10:24). Le stéphanois sait retirer ses gants de boxe et se faire crooner. Ses nuits ne sont pas de satin blanc mais on s'y égare volontiers. Le dialogue guitare – cuivres du refrain est absolument génial. [album "Voleur de feu"]
09 Al Jarreau : L is for lover (01:15:05). Quand une des plus délicieuses voix du jazz s'aventure sans fausses notes sur un terrain plus pop qu'à son habitude, on obtient un des bonbons musicaux les plus sympathiques de l'année. Nougaro lui tressera des louanges l'année suivante sur "Nougayork". [album "L is for lover"]
10 Caroline Loeb : C'est la ouate (01:20:22). Protégés par nos frontières et l'anticyclone des Açores nous nous sommes tous roulés dans la ouate de bonheur. Caroline Loeb et sa gouaille toute parigote a fait le reste. On chavire dans l'hédonisme, le vrai, c'est quand même autre chose que Tapie en lycra à Gym tonic. Et si c'était la meilleure chanson de la décennie ? [album "Loeb C.D"]
11 A-Ha : Maybe maybe (01:23:45). Un deuxième album plus sombre que le premier mais tout aussi réussi. Et en presque fin de course ce titre sautillant qui me met la pêche depuis … bah depuis 86 quoi ^^ [album "Scoundrel days"]
12 Bill Baxter & Tippa Irie : Bienvenue à Paris (01:26:17). Venez flairer notre air pur et déambuler sur nos trottoirs immaculés, thanks to the motocrottes. La chanson n'a, à ma connaissance, pas été financée par Jacques Chirac, mais reste un grand moment de bonne humeur, à l'image des, hélas, trop peu nombreux titres de Bill Baxter. [compilation "100 tubes 80 introuvables"]
Dans le prochain épisode, je vais faire un tour chez le coiffeur. James Bond will return.